TRENTEQUATRE

On s'est rencontré à la machine à café. Ça peut paraître banal mais par les temps qui courent croyez moi, rencontrer l'amour de sa vie sans allumer son ordinateur ça équivaut à, je sais pas, acheter un CD dans un magasin en payant en liquide par exemple. Il lui manquait quelques centimes et j'en avais plein les poches. Je l'avais jamais vue avant mais à la fac c'est comme se dire qu'on est bien encadré par les profs. Les mecs tu les croises jamais deux fois. Enfin je lui ai filé des centimes et elle s'est payé son latté (sans blague, je savais même pas ce que c'était), je me suis pris un allongé sans sucre et on est sorti. 

J'avais cours, littérature comparée, mais tout d'un coup la rue, le soleil, ma rouquine, tout ça m'a paru tellement plus sexy et moderne que n'importe quelle ligne de Gide, je suis sorti avec elle. Elle rentrait chez elle puis elle devait aller travailler, je l'ai emmenée... enfin, je l'ai accompagnée... enfin, je l'ai suivie quoi. J'ai attendu en bas de chez elle, ça paraissait inconvenant, paraît-il, de la suivre jusqu'à son palier, risquer de tomber sur les parents, tout ça...  Et tout ça c'est devenu un rituel.

Quand elle redescend, changée, elle est encore plus belle. Et j'ai encore plus envie d'elle. Elle a généralement un peu de temps à tuer avant d'aller à son travail alors on flâne dans les rues. On s'arrête à une terrasse de café, elle passe un coup de fil à une copine, une autre nous rejoint, elles parlent de trucs de filles alors je décroche un peu. Mais je suis pas exclusif. Puis la copine s'en va. Nous on reste encore quelques instants puis l'heure arrive. Je voudrais pas qu'elle aille travailler mais on dirait qu'elle peut pas faire autrement.

Elle est serveuse dans un bar restaurant, presque tous les soirs et quelques midis par semaine, quand son emploi du temps le permet. Cette fois encore je suis allé avec elle et je me suis installé à la même table que d'habitude et j'ai pris la même chose que d'habitude, un latté, et elle me l'apporte et comme d'habitude elle fait comme si elle ne me reconnaissait pas. Mais moi je le sais, qu'un jour elle fera le premier pas. 

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Dessins :

1. Nantes
2. Nantes
3. Nantes
4. Pornic

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