dimanche 9 mai 2010

CINQ

"Moi vivant, jamais!" C'est le dernier cri qui est sorti de sa sale gueule de connard. C'était la dernière fois qu'il essayait de m'empêcher de faire ce que je voulais. J'ai attrapé la petite statuette qui trône sur le guéridon de l'entrée, celle qui représente un cerf, et je lui ai asséné le coup le plus fort possible à travers la figure. Il a vacillé, portant les deux mains à son visage d'où le sang s'était mis à couler à flots et il s'est écroulé sur lui même, presque sans bruit, malgré son poids. Je n'ai pas réfléchi mon geste, c'était un réflexe pur. Mais devant le résultat j'ai été submergé par une joie et un enthousiasme que je n'avais plus connu depuis la mort de maman. Très prosaïque, j'ai tout de suite filé dans ma chambre remplir une valise de tout ce dont j'avais besoin et j'ai filé prévenir mon frère. On n'avait pas toute la journée.
Il était prostré devant sa glace comme à chaque fois qu'on s'engueulait avec le paternel, perdu dans son reflet. "Julien, le connard est mort, fait tes valises on se tire." J'essayais d'être ferme et détachée pour ôter à l'évènement toute connotation dramatique. Le Julien, faut savoir le prendre, il s'effarouche d'un rien parfois. "Je sais. Tu as bien fait. Je vais rester là. Va-t-en toi. Je dirai aux policiers que c'est moi qui l'ai tué." Je n'ai même pas été surprise par sa décision. Julien le taciturne, Julien le renfermé. Julien qui ne dit jamais rien. Julien qui accepte toutes les humiliations. Je n'ai pas réfléchi. J'ai pris ma valise et je me suis tiré. En sortant j'ai du enjamber le cadavre qui bloquait l'entrée. Je lui ai craché dessus une dernière fois.
Prendre la fuite. J'avais la carte bleue du connard. Je savais qu'il avait de l'argent à ne plus pouvoir le compter mais je n'avais pas besoin d'énormément. J'ai tiré autant que je pouvais avec sa gold, j'ai vidé mon compte et pris le premier train qui quittait la gare. D'étape en étape, de train en trains, j'ai atteint la Grèce en deux semaines. Je me suis trouvé un boulot tranquille de serveuse dans un petit restaurant sur le port d'une petite île au nom impossible à écrire sans faute et j'ai commencé  à me faire oublier du monde. J'ai attendu qu'un mois soit passé depuis la mort du connard avant d'essayer de contacter Julien. Mais il est resté introuvable. j'ai envoyé plusieurs courriers à la maison, passé plusieurs coups de fil au peu de personnes qu'il fréquentait, chou blanc. Alors j'ai laissé couler. J'imaginais que la police l'avait mis en prison et j'ai cherché un temps des traces du crime et de ses suites dans les journaux mais c'était bien trop minime pour intéresser les presses nationales. Finalement, j'ai arrêté de me faire du souci.

Cela faisait bien deux mois que le connard était mort. J'étais sur la plage où je passais mes journées avant de prendre mon service du soir et mon logeur accourait vers moi pour m'apporter un télégramme. c'était Julien. TOUT EST ARRANGE - STOP. JE SUIS HORS DE CAUSE POUR PAPA ET J'AI HERITE DE LA FORTUNE - STOP. LA POLICE DEVRAIT ARRIVER EN MEME TEMPS QUE CE TELEGRAMME - STOP. ADIEU ET MERCI - STOP. Je l'ai lu et relu une bonne centaine de fois ce télégramme. Je n'y comprenais rien. Jusqu'à ce que deux inspecteurs à l'allure parisienne arrivent vers moi accompagnés de trois agents de la police de l'île. 

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Dessins :
  1. Nantes
  2. Nantes
  3. Nantes
  4. Nantes


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