lundi 28 février 2011

CENTQUATREVINGTNEUF - HORS SERIE #25


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J'ai invité tout le monde ce soir.
Ils passaient la journée tous ensemble sur le site des fouilles et je leur ai proposé de passer la soirée à la maison après. Ils ont tous dit oui bien sûr.
J'ai flâné un peu en ville jusqu'à ce que l'heure approche mais je n'avais vraiment pas d'idées ni d'envies de choses à préparer.
Du coup je me suis enfermé chez moi, dans le noir. Un peu après l'heure prévue, ils ont sonné et je n'ai pas ouvert. 

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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. Mahdia
  2. Sud
  3. Sud
  4. Tunis

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samedi 26 février 2011

CENTQUATREVINGTHUIT - HORS SERIE #24


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Contre toutes attentes, l'épidémie est venue de la mer.
En deux semaines toute la population de la côte a été balayée.
Puis très vite, les colonnes de réfugiés ont véhiculé le virus à l'intérieur des terres.
En trois mois le continent a été ravagé.

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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. Mahdia
  2. Sud
  3. Sud
  4. Sud

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jeudi 24 février 2011

CENTQUATREVINGTSEPT - HORS SERIE #23


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Le but du voyage était un petit village isolé au bout du bout d'une piste qui courrait entres les dunes et un désert de pierres. La chaleur sur le chemin était plus qu'étouffante et la climatisation tournait à plein régime dans les véhicules. Une fois arrivés, quand on est sortis des voitures, la chaleur nous a frappés comme un coup de massue sur l'arrière du crâne et le soleil brûlait nos yeux à travers les verres fumés de nos lunettes de soleil.
On nous a invité à prendre le thé dans la maison du chef du village, un personnage fatigué à la peau luisante de sueur et aux manières ralenties par la chaleur. Dans le village tous semblaient avancer au ralenti, nous y compris. Comme si avancer à travers l'air chauffé à blanc était aussi difficile qu'avancer en marchant dans la mer.  
On a fini par nous conduire à nos quartiers où nous nous sommes effondrés à même le carrelage qui n'était même pas frais. L'air à l'intérieur redevenait néanmoins respirable. On se posait quand même la question du pourquoi. Pourquoi être venu jusqu'ici, au milieu de rien, dans ce pays où avancer d'un mètre coûte plus que faire le marathon de Paris. 
On a appelé l'académie et la semaine suivante on avait la télévision. 

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Dessins :
  1. Sud
  2. Tunis
  3. Tunis
  4. Tunis

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mardi 22 février 2011

CENTQUATREVINGTSIX - HORS SERIE #22


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On devait prendre nos quartiers juste avant midi. Le propriétaire nous attendait. Une rapide visite de la maison et il nous a laissé les clés contre un gros chèque et est parti. "A dans deux semaines, bonnes vacances!" il a dit. "Merci" qu'on a dû répondre. On s'est choisi la meilleure chambre, enfin celle qu'on préférait, la grande au premier avec le balcon qui donne sur l'eau du chenal, et on s'est installé. 
On s'est fait un frichti, on a mangé puis on a fait une sieste crapuleuse en attendant que les autres arrivent. Les vacances commençaient bien. Puis Fabrice et Constance sont arrivés avec Michel. Il devait pas venir Michel. On avait dit qu'on préférait pas de personne seule, qu'on passait les vacances entre couples pour pas déséquilibrer. "Je veux juste me reposer un peu, je vous dérangerai pas" qu'il a dit.
Pierre et Marie puis Jean-Claude et Fred sont arrivés et ils ont fait la gueule que Michel soit là. "Je veux juste me reposer un peu, je vous dérangerai pas" qu'il a re-dit à chacun d'eux. Alors on a installé Michel dans une des deux chambres du rez-de-chaussée, celle qui donne sur le chenal, et les autres se sont installés à l'étage avec nous. Les premiers jours, tout allait bien et Michel se reposait beaucoup donc il ne nous dérangeait pas du tout. Nous on sortait beaucoup de toutes façons. Plages, restaurants, bars, grasses matinées... on en profitait bien.
C'est le cinquième ou le sixième jour, je ne sais plus, Michel est parti, sans rien dire. Puis c'est Constance qui est partie aussi. De retour à Paris, on a compris que Constance était partie avec Michel. A part cette histoire on avait tous passé de tellement bonnes vacances dans cette maison que l'année suivante on est revenu, avec Michel et Constance et les autres. Cette fois on a fait en sorte que Fabrice ne vienne pas.

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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. Nantes
  2. Nantes
  3. Paris
  4. Paris

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dimanche 20 février 2011

CENTQUATREVINGTCINQ - HORS SERIE #21


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- "Non vous n'entrerez pas monsieur, rien à faire il est trop tard."
Je n'avais pourtant pas beaucoup de retard mais le type ne voulait rien entendre. J'avais beau lui expliquer que je m'étais perdu, que je ne connaissais pas le patelin, que je venais d'une autre académie, il n'a rien voulu savoir. Et même j'avais l'impression que plus j'implorais son indulgence plus il se refermait et devenait même moqueur.  
Je fis le tour du bâtiment, dans l'espoir de trouver une autre entrée et j'ai fini par me glisser à travers le grillage, à un endroit où il était mal fixé. J'entrai par une porte de service et me faufilai vers la salle d'examen, comme si de rien n'était, comme si je revenais des toilettes. Je devais avoir l'air louche parce que l'examinateur m'a tout de suite attrapé et mené vers l'entrée où le cerbère me reconduisit, assez violemment, jusqu'à ma voiture. 
J'entrai et m'installai au volant, attachai ma ceinture et vis mon visage griffé dans le rétroviseur. J'avais dû m'arracher la peau en traversant le grillage. Je ne m'en étais même pas rendu compte. J'avais même un peu saigné sur mon pullover. 
Le Cerbère ne me quittait pas de l'oeil aussi je démarrai sans plus m'attarder.

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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. Nantes
  2. Nantes
  3. Marseille
  4. Marseille

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vendredi 18 février 2011

CENTQUATREVINGTQUATRE - HORS SERIE #20


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Il y a des gens qui ne manquent pas d'aplomb. Comme cette fille une fois que je prenais le train. J'avais mes enfants avec moi, le train était bien plein, ça devait être les vacances. Il n'y avait pratiquement plus de places et on avait dû déplacer des gens pour pouvoir installer les enfants. Et il y avait cette fille qui ne bougeait pas puisque, disait-elle, elle était à sa place. Vérification faite, il semblait qu'on ait eu le même billet. Bref, elle décide de ne pas bouger et je reste debout. Une bonne heure de trajet se passe et le contrôleur traverse le wagon. Je l'interpelle au sujet de l'erreur que sa compagnie a faite et il n'y croit pas une seconde, demande à voir les deux billets. La fille avait bien cette place là, la même que moi, mais dans le train de la veille. Elle a encore trouvé le moyen de se plaindre en me laissant la place. Même pas un mot d'excuse... 
Moi, à l'époque, je prenais le train tous les jours. Je le ratais rarement mais il y a eu cette fois où je l'ai raté. J'allais pour changer mon billet et je vois qu'un autre train partait dans les dix minutes. Tout content je change mon billet fissa, repère le quai et vais m'installer. Le train part et je m'endors — C'était fatigant de prendre le train tous les jours. Le contrôleur me réveille et me demande mon billet. Je le lui tends et il me demande où je vais. "A Angers", lui dis-je. "C'est le train de Rennes Monsieur". Je m'étais trompé de côté sur le quai. La fatigue...
Et ces trains qui se séparent et ne finissent pas dans la même gare. On attendait un ami pour les vacances, on avait son heure d'arrivée et il fallait aller le chercher à la gare qui n'était pas à côté, il fallait qu'on descende de la montagne pour aller le prendre. Cet idiot était dans le mauvais train et comme il a dormi tout le trajet, il a raté toutes les annonces de séparation de train et s'est réveillé à la frontière espagnole. On l'a attendu pendant trois heures à la gare, jusqu'à l'arrivée du dernier train. Puis on a fini par l'avoir au téléphone. On ne lui a plus jamais parlé. A cause de ces trains-là on perd des amis.
Pourtant s'endormir c'est un classique, même dans le métro. Comme cette fois où on rentrait avec un ami d'une grande fête qui se terminait au petit matin. On prenait le métro au milieu des habitués du marché qui revenaient avec des sacs et des paniers débordants de légumes et d'odeurs de poisson et de charcuterie. On était tellement fatigués et alcoolisés qu'on s'est endormis tous les deux. Sa tête à lui sur mon épaule à moi, ma tête à moi penchée vers l'avant. Entre le moment où on est entrés dans le métro et le moment où on s'est réveillé, il a du s'écouler deux bonnes heures. J'avais une auréole de la taille d'une assiette au milieu du t-shirt. Une auréole reliée à ma bouche par un épais filet de bave. Et les gens entraient et sortaient avec leurs sacs de course comme si de rien n'était. Vive Paris.

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B.O.S.T. :

Dessins :
  1. Nantes
  2. Nantes
  3. Nantes
  4. Nantes

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mercredi 16 février 2011

CENTQUATREVINGTTROIS


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Des visages et des noms, si seulement ils étaient tous pareils. Visages et noms ne me causent que des ennuis. Si on se ressemblait tous et qu'on avait tous le même nom je ne serais pas jaloux des autres et les autres jaloux de moi. Je tombe toujours amoureux de quelqu'un qui ressemble à ce à quoi je voudrais ressembler. Je fixe toujours quelqu'un qui fait du mal et c'est à moi qu'on fait du mal.

Des visages et des noms, si seulement ils pouvaient disparaître. Si je te ressemble, tu me ressembles et finis les ennuis. Des visages et des noms, si seulement ils pouvaient disparaître. Je pourrais me fondre dans le décor et ne jamais parler, jamais parler. Si j'étais un robot ou une machine, sans un sentiment ni une pensée. Les gens qui veulent rencontrer le nom que je porte sont toujours déçus par moi.

Des visages et des noms, si seulement ils étaient tous pareils. Visages et noms ne me causent que des ennuis. Si on se ressemblait tous et qu'on avait tous le même nom je ne serais pas jaloux des autres et les autres jaloux de moi. Je préférerais être un trou dans le mur, regarder de l'autre côté. Je préférerais regarder et écouter, écouter et ne pas parler à ces visages et ces noms.


Si j'ai fait une dépression quand j'étais petit, j'ai perdu mes cheveux quand j'étais jeune. Si tu t'habilles comme un vieux alors que tu ne l'es pas, en prenant de l'âge tu ne changeras pas. Si on se ressemblait tous, on ne jouerait pas à ces jeux : moi m'habillant pour toi, toi t'habillant pour moi... Te déshabillant pour moi. Des visages et des noms, s'ils étaient tous les mêmes, tu ne serais pas jaloux de moi et moi jaloux de toi... Je suis jaloux de toi, je suis jaloux de toi... Ton visage et ton nom, ton visage et ton nom...

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Tout à fait exceptionnellement, ce Strip Trip reprend l'intégralité des paroles, librement traduites, de la chanson "Faces And Names", de Lou Reed et John Cale figurant sur l'album hommage à Andy Warhol "Songs For Drella". Sans l'accord des auteurs mais, nous l'espérons, avec leur bienveillante indulgence. 



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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. Nantes?
  2. Nantes?
  3. Nantes?
  4. Nantes?

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lundi 14 février 2011

CENTQUATREVINGTDEUX


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Faudra que je pense à changer l'ampoule de la salle de bain en rentrant. C'est la seule chose à laquelle j'essayais de penser. Parce que j'avais peur d'oublier.
Je suis rentré chez moi pour me rendre compte que je n'avais pas d'ampoule de rechange. En tout cas pas une comme il faut pour la salle de bain où j'ai installé une de ces fichues appliques ikea qui n'acceptent que certains types d'ampoules. Du coup je suis allé faire une lessive à la laverie. Je regardais par la fenêtre le vélo garé en face avec un de ces sièges pour les enfants. Je me disais que ça devait être pratique. Puis je repensais à l'ampoule de la salle de bain.
Je me suis retrouvé ensuite avec absolument rien à faire. Il y avait une vieille droguerie au coin de la rue. Je me disais que je devrais y aller pour voir si je pouvais trouver là-bas une ampoule compatible avec l'applique de ma salle de bain. Mais je n'arrivais pas à me décider. Finalement je suis rentré.
J'étais dans le salon. J'avais éteint toutes les lumières pour que celle qui manque dans la salle de bain passe inaperçue. Fenêtres ouvertes, j'écoutais la rumeur de la rue, la plainte d'une chanson accompagnée d'une guitare chétive. J'échafaudais des excuses minables tâchant d'expliquer pourquoi la lampe de la salle de bain ne marchait toujours pas alors que c'était la seule chose que j'avais à penser de ma journée. J'ai au moins fait les lessives.

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B.O.S.T.:
Dessins :
  1. Nantes?
  2. Nantes?
  3. Nantes?
  4. Nantes?

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samedi 12 février 2011

CENTQUATREVINGTUN


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Il y a ceux qui le prennent de temps en temps : quand il fait beau, le weekend pour se promener. Généralement ceux-là se promènent. Ceci dit, moi même, j'ai tendance à me promener, même si je vais juste chercher le courrier. Enfin, il y a ceux qui s'en servent de temps en temps donc.
Il y a ceux qui s'en servent le soir ; ayant trouvé là l'alternative parfaite au boire ou conduire puisque, tant qu'on est ni nu ni braillant sur la quatre voies, on peut le piloter tranquillement sur le trottoir sans déranger personne vers quatre heures du matin avec quelques grammes de modération dans le sang.
Il y a ceux qui s'en servent tous les jours. Ceux sont des gens sérieux, qui font attention à leur corps autant qu'à leur porte monnaie. On les envie tous secrètement. On envie leur hygiène, leur volonté. Puis, plutôt que de les prendre pour modèle, on préfère avoir la flemme.
Enfin, il y a ceux qui en ont un et qui ne s'en servent jamais.

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B.O.S.T.:
Dessins :
  1. Nantes?
  2. Nantes?
  3. Nantes?
  4. Nantes?

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jeudi 10 février 2011

CENTQUATREVINGT


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La première fois, je l'ai vue au parc des plantes. Elle donnait à manger aux canards et aux tortues. Cette fois-là je n'ai rien fait, j'étais un peu intimidé.
La deuxième fois, c'était sur un boulevard de ceinture de la ville, pas loin du pôle universitaire et du pôle emploi. Cette fois-là j'étais plus déprimé qu'intimidé. Je n'ai pas bougé non plus.
La troisième fois, j'en avais marre de faire semblant de ne pas la remarquer et c'est elle qui est venue vers moi. J'ai trouvé ça tellement gonflé que je suis parti vite en bredouillant une excuse minable.
Et finalement, la fois suivante, je n'ai même pas essayé de la voir ni rien. J'ai récupéré mon vélo avec l'autre jeu de clé de mon antivol et je suis rentré avec. Elle avait qu'à me le rendre elle même.

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B.O.S.T.:
Dessins:
  1. Nantes?
  2. Nantes?
  3. Nantes?
  4. Nantes?

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mardi 8 février 2011

CENTSOIXANTEDIXNEUF


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Je me suis encore perdu. Dans ma propre ville, je me perds sans arrêt. Je sais que je ne suis pas le seul et ça a quelque chose de rassurant. Mais comme je me perds aussi ailleurs...
Le plus pénible, dans le fait de se perdre dans sa propre ville — ou ailleurs d'ailleurs — c'est que non seulement je m'y perds mais j'y perds toutes mes affaires. A commencer par mon chemin évidemment.
Mais j'y perds aussi régulièrement des amis, des amoureuses, des clés, des sacs, des vestes, des adresses, ma maison, les endroits où il m'arrive de travailler... quand je n'ai pas, en plus, perdu mon travail.
Aujourd'hui par exemple j'ai perdu mon vélo.

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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. Nantes?
  2. Nantes?
  3. Nantes?
  4. Nantes?

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dimanche 6 février 2011

CENTSOIXANTEDIXHUIT


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De son bureau à l'étranger, lui s'inquiète de sa progéniture.
La progéniture va bien. Elle prend le soleil au bord de la mer et inversement. Elle s'encanaille gentiment comme c'est de son âge.
Le tonton qui les accueille comme une bouffée d'air frais rassure leur père. "Tout va bien, ne t'en fais pas. Je m'occupe d'eux..." 
Mais comment ne pas s'en faire...

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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. La Roche Sur Yon
  2. Toulouse
  3. Blagnac
  4. Toulouse

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vendredi 4 février 2011

CENTSOIXANTEDIXSEPT - HORS SERIE #19


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Ses souvenirs lui revinrent tous ensemble, d'un coup. Comme si la seconde d'avant il avait été dans le noir et que quelqu'un avait allumé la lumière ; ses souvenirs en même temps que leur appréhension, comme les docteurs le lui avaient dit : "cela peut revenir à n'importe quel moment, petit à petit ou en même temps. Vous verrez. Tout d'un coup ce sera comme si vous reveniez à la vie".
Et du reste c'était exactement l'impression que cela lui faisait, renaître. Il revécut, à la vitesse de la lumière, sa naissance, son enfance, les caresses de sa mère, les paroles de son père, ses amitiés d'enfant, ses amours d'adolescent, le parfum de la ruelle où il avait toujours habité...
La salle de classe où il avait enseigné, les sourires sur les visages de ses élèves chéris, le départ de sa femme... Même les enfants qu'il avait rêvé d'avoir, il les vit en repassant ainsi le contenu de sa mémoire retrouvée. La sensation était étourdissante, comme un trop plein de bonheurs arrivés d'un coup que les malheurs qu'il avait pu traverser dans sa vie ne pouvaient ternir. La tête lui tournait...
Et c'est bien dommage qu'il se soit trouvé à ce moment-là au sommet de l'escalier. Car s'il avait été dans son fauteuil, il ne serait pas tombé ainsi à la renverse, reperdant à égale vitesse tout ce dont il venait de se souvenir.

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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. Mahdia
  2. Mahdia
  3. Mahdia
  4. Mahdia

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