mercredi 27 juillet 2011

DEUXCENTSEIZE


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 Depuis quelques mois ses jambes ne passent plus sous la table quand elle s'assoit sur sa chaise haute. Elle grandit trop vite. On s'est dit qu'on achèterait bien un banc pour les mettre dessus avec son frère, même si lui est encore bien petit. Mais un banc, ça ne se trouve pas comme ça. Surtout que n'importe quel banc n'irait pas forcément...
Il faudrait aussi qu'on change de voiture. Un banc pour la cuisine, une nouvelle voiture, un nouveau siège pour le petit qui grandit ; encore petit mais il grandit quand même. Ces dépenses, imaginaires, nécessaires, me font tourner la tête. Et les vacances qui s'éternisent, le temps qui s'en mêle ; la grisaille allonge les jours plus sûrement que le soleil...
Pour rire, on fait les acrobates sur le vieux canapé en cuir du salon. C'est un canapé bas, très bas, dont on ne se relève pas. Allongé en travers, sur le dos, j'en attrape un par les jambes et lui fait faire un looping au dessus de moi jusqu'à ce que mes bras le rattrapent par les fesses, la tête en bas, dans ses éclats de rire et les hurlements muets d'angoisse de sa mère... 
Mais même pour ça ils commencent à être trop grands...

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lundi 13 juin 2011

DEUXCENTQUINZE


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C'était la première fois pour moi. Quand ça a commencé, tout était neuf et rien ne devait jamais finir ; même si tout cela n'était pas sérieux paraît-il. Mais bien sûr que cela s'est terminé. Après ça, il s'est passé des années avant que cela ne m'arrive à nouveau et pendant tout ce temps j'ai vu son visage dans tous les reflets, j'ai cherché des échos de son regard dans tous les yeux que je rencontrais, j'ai vu tout ou partie de sa silhouette dans bien des démarches croisées.
Toutes les nuits où je rêvais d'elle je me réveillais le matin pris d'une attaque de mélancolie invincible. C'est ensuite cet état au réveil qui me renseignait sur la nature de mes rêves qu'il m'arrivait d'oublier. Les journées vécues ainsi étaient des cauchemars éveillés, cette mélancolie renforçant les visions que j'avais d'elle, partout, impossible à combattre.
Puis ces rêves se sont espacés, le paysage s'est vidé, ma mémoire s'est délitée. Je ne l'ai plus vue nulle part. Juste subsistait de temps à autres des éclairs fugitifs dans mes rêveries, éveillées ou non. De temps en temps, au réveil, le sentiment, plus si désagréable puisque rare, d'un manque, le même manque que me laissaient tous ces rêves d'elle. Il m'arrivait même alors de me forcer à penser à elle pour provoquer cet état, faire revenir les vision, repeupler un peu mon univers.
Mais, las de se sentir glacé dans un lit de hasard, on finit par se lever et chercher un autre visage.

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mardi 17 mai 2011

DEUXCENTQUATORZE


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Aujourd'hui encore je passe beaucoup — "trop, tu passes trop de temps enfermé. Sort un peu ! La vie se passe dehors ! Il ne t'arrivera jamais rien si tu restes enfermé." — de temps chez moi. Je ne fais pas — "Tu passes tout ton temps assis ou allongé à écouter de la musique ou lire des livres. Ce n'est pas en lisant des livres et en écoutant de la musique qu'on apprend un métier. Sort !" — rien, je fais ce que j'aime faire et il se trouve que ce que j'aime faire, c'est faire des choses chez moi. Même si parfois il peut s'agir de ne rien faire justement. Mais je suis de ceux qui pensent qu'on ne fait jamais vraiment rien et qu'en ne faisant "rien" on arrive parfois à achever de grandes choses.
Mais encore aujourd'hui, après toutes ces années, j'entends la voix de mon père, son ton moqueur, je vois son visage, le sourire qu'il a toujours eu du mal à masquer : "Si tu ne sors pas, si tu ne trouves pas de travail cette semaine, je ne viens pas la semaine prochaine." 
Alors je sors. Je cherche vaguement quelque motivation, quelque but à ma sortie. Acheter des cigarettes ? Je n'ai pas d'argent. Prendre un café à une terrasse ? Du café ? Une terrasse ? J'ai du café et j'ai un jardin. Regarder autour de moi ? Regarder cette ville que j'habite depuis toujours ? Où je connais tout le monde sans connaître personne ? Et invariablement je trouve comme but unique la bibliothèque municipale où je m'arrête quelques heures pour lire des livres que j'ai souvent dans mes propres étagères.
Des livres où je retrouve les amis auxquels je pense lorsqu'il semble que je ne fais rien.

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dimanche 15 mai 2011

DEUXCENTTREIZE


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Voilà, j'y suis.  C'est ma première nuit en cellule. Quand on m'a signifié mon emprisonnement je ne voulais pas le croire. J'essayais de repasser les événements de ma journée mais rien à faire, tout tourbillonnait autour de moi comme si j'avais été dans un de ces carrousels de mon enfance. Ils m'ont repassé les menottes et ils m'ont emmené. Des flashs crépitaient de partout, la foule le long du chemin, des cris, on m'interpellait comme si j'avais monté des marches pour recevoir la palme d'or. Mais j'allais en prison. Curieusement je n'ai eu aucun problème à trouver le sommeil. La couchette est plus dure que tout ce sur quoi j'ai pu passer une nuit depuis ma naissance mais je me suis endormi.
Il dort mais il dort mal. Comment pourrait-il en être autrement ? Les événements de la journée reviennent le hanter en rêve, se mêlent aux histoires de son passé, à ses fantasmes, avoués et inavouables — il lui en reste. Toute la nuit il va transpirer, se retourner encore et encore, la couche grinçant sous son poids. Un agent de surveillance passe tous les quarts d'heure pour le regarder, veiller à ce qu'il ne manigance rien pour tenter de quitter la prison par le ciel et il reste chaque fois un peu plus longtemps à le regarder se débattre contre Dieu sait quels démons. Le combat semble plus terrifiant que celui qui  l'attend devant les jurés qui décideront de son sort.
Vous n'en mèneriez pas large alors que vous n'endureriez que ce qu'il vit depuis son arrestation. Vous qui n'êtes ni connu ni reconnu. Vous qui ne faites que ce que font tous les autres : vivre simplement, sans faire de vagues, une vie qu'on nous a appris à vivre sans se faire remarquer, à peiner à garder ce que nos parents pouvaient avoir pour presque rien et à s'en féliciter en regardant le malheur des plus démunis que nous. Vous auriez grand peine à supporter cette nuit en prison. Mais lui, lui tout le monde le regarde, tout le monde l'aime — du moins tout le monde l'aimait avant qu'on ne lui passe ces menottes. Dans vos cauchemars comme dans les siens se superposerait tout ce qui pourrait vous être reproché par un tribunal céleste. C'est facile d'être innocent quand on dort dans son lit.
Et comme lui, vous pourriez apprendre à vous satisfaire de petites choses, comme par exemple avoir les mains libérées de ces bracelets de fer et pouvoir, comme le Tao le prescrit, dormir la main droite sous la tête et ma main gauche le long de la cuisse gauche repliée vers le haut.

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vendredi 13 mai 2011

DEUXCENTDOUZE


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-"Il va falloir arrêter le vélo maintenant vous comprenez? Vous allez très vite être trop faible et il ne faut pas épuiser vos forces, vous allez en avoir besoin. Je vous prescris d'abord beaucoup de repos. Du repos, du repos et s'il vous reste du temps profitez-en pour vous reposer."
-"Prenez des bains aussi, des bains parfumés. Occupez-vous de vous, ne pensez à rien d'autre qu'à vous. Vous verrez que le temps passera bien plus vite que ce que vous imaginez. Très vite vous n'en aurez plus. Donc pensez à vous maintenant, après il sera trop tard."
-"Vous pourriez en profiter pour lire un peu, rattraper votre retard. Lisez des choses calmes surtout, pas de romans d'aventures ni de thrillers. Optez pour des histoires douces. Pourquoi ne pas relire des livres de contes? Cela me semble approprié pour le moins."
-"Tes rentrée ? Alors ? Qu'est ce qu'il a dit ?"
-"C'est un garçon."


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mercredi 11 mai 2011

DEUXCENTONZE


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Quand on n'a pas de boulot, c'est difficile de trouver des raisons pour se lever, pour sortir. Et encore, j'en connais, sans boulot ils ont quand même les enfants, une femme, une amie, ou un ami pour ce que j'en sais. Moi j'ai rien de tout ça. J'ai bien des copains, je les vois si je me lève et que je sors. C'est tout ce que je fais d'ailleurs, vu que j'ai pas de boulot. Je traîne. Enfin, quand je me lève, je traîne. Avec les copains.  
Les copains des fois ils me présentent des copines à eux. Ils en ont marre je crois que je traîne avec eux. Ou plutôt j'imagine que leurs enfants, leurs femmes, leurs copines, ou leurs copains pour ce que j'en sais, en ont marre de les voir traîner avec moi alors qu'ils pourraient rester près d'eux. Si j'avais une copine, je traînerais avec elle et comme ça je les obligerais pas à traîner avec moi. Ça tient pas debout. Y a pas une fille qui veut de moi. Y a pas une fille qui veut de moi depuis que j'ai quitté le lycée. 
Me demandez pas pourquoi, j'en sais rien. Mais je sais que c'est la base de tous mes ennuis. Je suis sur que si j'avais une copine, j'aurais un travail. Si j'avais un travail, je vivrais dans un endroit bien plus agréable que là où je vis. Si je vivais dans un endroit plus agréable je pourrais y élever des enfants. Si j'avais une femme, un travail, un endroit agréable pour vivre, des enfants, j'aurais pas de problèmes pour me lever. Et c'est vrai, j'avoue, j'aurais plus le temps d'appeler les copains pour me tenir compagnie et me donner une raison de sortir.
- " C'est exactement tout ce qu'il ne faudra pas dire à cette jeune fille si tu veux avoir une chance avec elle. Ah oui, évite de l'emmener chez toi aussi."

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lundi 9 mai 2011

DEUXCENTDIX


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La dernière fois qu'ils se sont quittés, il pleuvait. Ils s'étaient séparés déjà plusieurs fois mais cette fois-ci avait été semble-t-il définitive, du moins jusqu'à aujourd'hui. Elle avait tout fait en tout cas pour que jamais il ne la retrouve, changeant d'adresse plusieurs fois, d'opérateur téléphonique, omettant sciemment de s'inscrire dans quelconque annuaire, officiel ou numérique. Et comme elle avait également changé d'employeur depuis quelques mois elle se sentait à l'abri de son passé et pleine d'espoir.
Mais il en aurait fallu bien plus pour le décourager, lui qui la voyait maintenant sous chaque parapluie qu'il croisait. Ce n'était pas un acharné pour autant : il savait faire confiance à la chance et à son instinct. Il était surtout persuadé qu'ils étaient faits l'un pour l'autre et qu'aucune des ruptures qu'ils avaient vécues n'avaient réellement d'autre but que de renforcer un peu plus leur union. 
Et c'est tout naturellement qu'il l'avait retrouvée, par hasard. Le destin donc, se félicitait-il. Le destin et son métier d'agent immobilier qui lui permettait de visiter tous les immeubles de la ville, ou presque, et donc multipliait les chances de la retrouver, par hasard... Il faisait visiter un appartement terrasse à un jeune couple ce jour-là. L'appartement était vaste et paradait au douzième étage, surplombant tous les immeubles alentour. Il refermait la grande fenêtre ouvrant sur la chambre quand il la vit.
Elle était là, en face, à trois étages sous le sien, son visage collé à la vitre. Il renvoya le jeune couple et signa la location de l'appartement pour lui même.

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samedi 7 mai 2011

DEUXCENTNEUF


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Il a mal depuis presque deux mois. Au début à peine une douleur, tout juste une tension qui fourmillait dans le petit doigt de sa main gauche à la base de la première phalange. Le genre de tension auquel on ne prête aucune attention. Mais comme elle s'est étendue depuis il lui a fallu aujourd'hui la reconsidérer comme la naissance de sa douleur. Avec les jours elle s'est propagée dans tout le doigt puis dans les autres et depuis une semaine au moins la douleur est telle qu'il ne peut plus rien faire avec sa main. Et sa main il en a besoin, il est gaucher après  tout. 
Il y a une clinique de la main dans la ville où il habite et ça tombe plutôt bien. Dans ces cliniques spécialisées on trouve les meilleurs spécialistes de la spécialité qui fait la renommée de la clinique. Pour lui qui a mal à la main pour des raisons inconnues c'est une aubaine. On se met facilement dans la peau du spécialiste qui découvre un dysfonctionnement inédit dans un mécanisme qu'il connait, et c'est le cas de le dire, jusqu'au bout des ongles. Ha ! Ha !
Bon, ça ne le fait pas rire. Mais il a vraiment mal il faut dire. Et la circonspection de la spécialiste n'a rien de rassurant. Il vit avec cette douleur depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'elle est réelle et pour décrire précisément son mécanisme. Il peut détailler chaque étape, graduer la douleur, tellement qu'il a attendu qu'elle soit insoutenable pour consulter un spécialiste. Il n'a pas d'excuse, tous les meilleurs spécialistes sont là, regroupés près de chez lui. D'ailleurs, trop interloquée pour poursuivre seule ses investigations, la spécialiste en question est sortie s'enquérir auprès de ses confrères spécialistes sur ce cas inédit.
Après interrogatoire poussé, il semblerait que le bureau sur lequel il travaille depuis quelques semaines et qui appartient à ses enfants soit trop petit pour lui et le force à se tenir mal. Une mauvaise posture qui aurait entraîné une sorte de tendinite qui devrait disparaître petit à petit, comme elle est apparue, s'il change quelque chose à son installation. Malheureusement, il semble qu'il ait bien trop mal à la main pour bricoler quoi que ce soit à cette installation.

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jeudi 5 mai 2011

DEUXCENTHUIT


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Hum... Oui, alors peut-être on était tout engoncés, incapables de se décider à commencer quelque chose. Moi surtout en tout cas. Allez savoir. Toujours est-il qu'on ne faisait rien. Rien ensemble du moins. A cause de moi donc surtout, de moi qui devait écrire et qui ne voulait pas ou qui n'y arrivait pas. Enfin, vu d'ici on s'en fiche un peu pas vrai ?
Oui, encore des blocages hein ? Des feux rouges, des croisements, des routes ratées. Ça doit être ça, ces idées pas menées, embryonnaires, des ersatz de bout de rien qui restent là et périssent. N'en reste rien aujourd'hui à part peut-être des fragments disséminés ça et là, entre UN et DEUXCENTSEPT. Dans les suivants aussi sûrement, allez savoir là encore...
Ah les vélos. Satanés vélos. Fichues bicyclettes, maudits vélocipèdes, damnés deux-roues, sales spads, bloody bikes... Ils m'en ont donné du fil à retordre, ils m'en ont usé de la bonne matière neuronale. Allez caser des biclous dans des histoires, des fois quatre pour une seule. Des fois je voudrais vraiment vous y voir tiens...  Une fois, rien qu'une fois on fera l'inverse. Nol tiendra mal son crayon et Raf en fera une histoire. J'en ris d'avance. D'autant que je dessine super bien les vélos.
Et alors ça... Ça pourrait symboliser la suite de la route ou alors le retour au bercail ou une impasse... Enfin moi je vois une sorte d'embarcadère qui permet aux véhicules de grimper à bord des navires destinés aux longues traversées. C'est bien ça une longue traversée. C'est tout ce que je nous souhaite pour notre deuxième année. Oui, car on a UN AN !

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mardi 3 mai 2011

DEUXCENTSEPT


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Ils ont passé quelques mois séparés par un océan et quelques heures de décalage horaire. Quelques mois connectés en différé par des lignes de code, de la fibre optique et des signaux satellite. Il rentre aujourd'hui. Il rêvait de rentrer en stratosphère à vitesse supersonique et trouve le long courrier qui le ramène pachydermique. Les files d'attente devant les bagages qui défilent, au passage des douanes, devant les files de taxi le font bouillir.
Les marches qui le mènent à son appartement au sixième étage du vieil immeuble qu'il habite dans le nord de Paris lui font regretter les ascenseurs new yorkais. Il y jette ses bagages et ressort aussitôt. Pas question d'attendre encore. Il récupère son vélo et se rue chez elle.
Il grille tous les feux, qu'ils soient verts, oranges ou rouges. Les klaxons qui le harcèlent lui rappellent les grandes avenues américaines mais les boulevards ont bel et bien l'air parisiens, bouchés, lents, interminables même.
Il arrive finalement chez elle, grimpe quatre à huit et huit à seize les marches du grand escalier couvert d'un épais tapis rouge et vert du majestueux immeuble haussmannien où elle occupe presque un étage à elle toute seule. J'espère qu'elle est chez elle.

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dimanche 1 mai 2011

DEUXCENTSIX


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Quand j'étais écolier — quand j'étais écolier mais aujourd'hui encore j'ai une large propension à penser de même. Quand j'étais écolier, je pensais que tout le monde, tous les enfants, avaient la même vie que moi. Coupé de la multitude, en rase campagne ; coupé du monde des adultes, sans informations alarmistes ou alarmantes, je grandissais paisiblement et n'imaginais pas une seconde qu'ailleurs on puisse grandir différemment, même si je savais qu'on pouvait grandir la tête en bas : j'avais une mappemonde, j'étais naïf, pas stupide. Je pensais que dans toutes les cours d'écoles il y avait des tilleuls alignés et des toilettes sous le préau où on pouvait, en se penchant, tenter de voir la couleur de la culotte des filles. 
Dans la cour de mon école, il y avait trois tilleuls alignés. De grands arbres qui paraissaient immenses pour mon regard de petit. Leurs feuillages épais, d'un vert tendre et presque transparent au soleil ; la blancheur et la largeur de leurs troncs servaient de limite au camp des cowboys (ou des mousquetaires du cardinal quand ils passaient le film à la télévision), cachaient le chemin qui passait derrière le préfabriqué où l'on échangeait des secrets douloureux ou on manigançait des plans machiavéliques pour prendre les indiens (ou les mousquetaires du roy quand ils passaient le film à la télévision) à revers.
On jouait aussi avec leur drôles de fruits. Ces graines rattachées à un sorte d'hélice en feuilles. On les lançait en l'air et elles retombaient en tournant sur elles-mêmes, comme des hélicoptères. On les émiettait dans les cheveux des copains et des copines, ou dans le dos, entre la peau et le sous-pull. On en retrouvait toujours des bouts par terre le long des porte-manteaux. Les porte-manteaux étaient alignés des deux côtés d'une grande pièce qui donnait sur la salle de classe. Au milieu, il y avait deux rangées de lavabos placés face à face, terrain de nombreuses batailles d'eau.
Et quand les batailles dégénéraient un peu trop, on était envoyé chez le directeur. Il fallait passer sous un porche. Le bureau du directeur était dans une aile du bâtiment séparée des salles de classe. Le porche, on le voyait de la cour et on craignait tous de devoir passer dessous. N'empêche que, tilleul ou platane, toilettes sous le préau ou à coté des salles de classe, lavabos à l'entrée ou à l'extérieur, porche ou couloir qui mène au directeur ; dans toutes les écoles il y a des enfants qui grandissent. J'avais raison.

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vendredi 1 avril 2011

DEUXCENTCINQ


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Ils ont passé un week-end incroyable. Tout est arrivé alors qu'ils étaient entourés de tous leurs amis, dans cette maison de vacances sur la côte Atlantique ; au milieu de la fête et de la joie d'être ensemble ils ont réussi à aménager un petit espace/temps pour devenir un. Ça a été tellement fugace, entre un énième bar et l'entrée d'une boite de nuit, une courte marche le long d'une plage, la nuit, le bruit des vagues et deux mains qui se frôlent et finissent par se prendre.
Elle ne rêve plus que de cet instant qui s'est prolongé un peu plus tard dans la nuit, chaste, doux, accompagné des promesses les plus folles, assis sur un trottoir pour échapper un instant au tumulte des amitiés enivrées. Elle se réfugie dans les recoins les plus éloignés de sa ville, pédalant le sourire figé sur le visage, cherchant un coin où s'isoler, se sentir totalement seule et au grand air. Elle étouffe sitôt qu'elle passe près d'un mur, d'un autre être humain.
Lui garde en permanence, autour du cou, ce gilet qu'elle a laissé avec son odeur imprégnée dedans. Il a bien essayé de l'enfiler mais il est trop petit. Il enfouit de temps en temps son visage au creux du vêtement et inspire comme si c'était l'air du large ou celui des sommets. Il est ivre. Son visage à elle s'interpose entre le monde et lui. Il entend sa voix, sent la douceur de ses doigts fins, l'électricité lorsqu'ils ont touché les siens pour la première fois. Ce simple contact, anodin, deux mains qui se touchent. Comment a-t-il pu produire une telle décharge ? 
Il cherche la réponse dans le ciel, n'y trouve rien d'autre que son visage. Son visage et l'avenir qu'ils se sont promis...

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Bon an, mal an, on dirait qu'ils s'en sortent pas si mal vu d'aujourd'hui...

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mercredi 30 mars 2011

DEUXCENTQUATRE


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Voici Gauthier L. Il a l'air fatigué mais c'est parce qu'il s'occupe un peu trop tout seul de sa petite Eléonore. Assis à la table de la cuisine, il feuillette son exemplaire de Strip Trips Volume Un entre deux siestes. Il découvre et parfois il aime, surtout celles qui parlent de voyages, d'amour solitaire...
Et voici Bertrand N. Lui il s'est installé au jardin des Tuileries entre deux interviews. Comme il est charmeur je pense qu'il a ouvert son exemplaire sur ses genoux pour attirer les regards mais que le sien ne s'intéresse qu'à la jeune fille en face de lui de l'autre côté de l'allée. Celle qui porte ses lunettes sur la tête pour plaquer ses cheveux. Il a raison, le livre est beau et suffit seul à attirer les demoiselles.
Je pense que Nicolas Z. a oublié le sien dans le train qui le ramenait chez lui et que cette vieille dame a vu dans l'objet l'occasion de tromper l'ennui de son voyage. Il y a de grandes chances qu'elle fasse une syncope avant la page 5.
Quand à Vincent B., il a tout simplement donné le sien à son amie Anne-Charlotte parce qu'il n'entend rien à cette pseudo littérature pour fillette.

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Ils étaient néanmoins tous les quatre mes co-témoins pour marier mon petit frère le 2 avril dernier et ce Strip leur est dédié ainsi qu'au "happy couple" déjà parti sous de meilleurs tropiques.

.nol Sr.
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