dimanche 7 novembre 2010

CENTQUARANTENEUF


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Il y a des dimanches qui ont des allures hivernales. C'est vrai surtout en province et particulièrement au mois de novembre. Une allure hivernale donne au promeneur provincial du dimanche une bonne idée de ces villes champignons, aussi vite construites aussi vite abandonnées, qui ont poussé aux Etats-Unis lors de la conquête de l'ouest. C'est par un de ces dimanches — était-ce novembre ? — que je suis tombé sur ce visage. Un visage sorti des limbes, que je contemplais à travers la vitre d'un café, qui se mélangeait avec d'autres, autant troublé par la vitre embuée du bistrot que par les circonvolutions de ma mémoire.
Je suis repassé plusieurs fois devant le café où le visage m'était apparu. Il a mis du temps à faire son chemin ce visage, à rebrousser le temps jusqu'au point de jonction, ou plutôt au point de disjonction. Lorsqu'enfin le jour s'est fait, j'ai voulu entrer dans le bistrot pour lui parler mais il n'était plus là, évidemment. On devait définitivement être en novembre, d'autant que je ne me rappelle pas de couleurs particulières. J'ai continué à  marcher, comme tous les dimanches, pendant une bonne partie de l'après midi, arpentant les rues de ma ville que j'aime tant, surtout ces dimanches hivernaux qui les laissent presque vides. 
En rentrant, j'ai eu une idée en passant devant mon bureau. Une idée qu'on peut avoir désormais que notre mémoire n'est plus solitaire mais solidaire. J'ai tapé le nom de cet ami d'outre mémoire dans le moteur de recherche de mon navigateur internet. Jean-Claude M. Il avait été un ami très proche pendant de longues années quand j'étais écolier puis collégien. C'est à ce moment là que la vie nous avait séparés. Pas une rupture violente donc, son visage me serait revenu plus vite en mémoire. Mais une rupture en douceur, moi au lycée, fréquentant de nouveaux amis, lui parti en apprentissage, apprenant le métier de son père, partant, je me souviens, en compagnonnage...
Je n'ai trouvé aucune trace de Jean-Claude sur l'internet. Mais ayant commencé mes recherches je me suis amusé à chercher ce que mes vieux amis étaient devenus. J'ai fini l'après-midi comme ça, au milieu de mes souvenirs de jeunesse, trouvant parfois une trace sur quelque site d'anciens élèves mais à aucun moment il ne m'est venu l'idée de m'y inscrire. Je sais que mon nom est suffisamment connu pour qu'on me retrouve facilement si le désir s'en fait sentir. Je me suis endormi ce soir là au milieu de ces souvenirs, me rêvant à nouveau adolescent, des avenirs plein les yeux. 

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Musique :

  • Morrissey - Hold On To Your Friends
Dessins :
  1. Toulouse
  2. Toulouse
  3. Toulouse
  4. Toulouse

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