dimanche 15 mai 2011

DEUXCENTTREIZE


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Voilà, j'y suis.  C'est ma première nuit en cellule. Quand on m'a signifié mon emprisonnement je ne voulais pas le croire. J'essayais de repasser les événements de ma journée mais rien à faire, tout tourbillonnait autour de moi comme si j'avais été dans un de ces carrousels de mon enfance. Ils m'ont repassé les menottes et ils m'ont emmené. Des flashs crépitaient de partout, la foule le long du chemin, des cris, on m'interpellait comme si j'avais monté des marches pour recevoir la palme d'or. Mais j'allais en prison. Curieusement je n'ai eu aucun problème à trouver le sommeil. La couchette est plus dure que tout ce sur quoi j'ai pu passer une nuit depuis ma naissance mais je me suis endormi.
Il dort mais il dort mal. Comment pourrait-il en être autrement ? Les événements de la journée reviennent le hanter en rêve, se mêlent aux histoires de son passé, à ses fantasmes, avoués et inavouables — il lui en reste. Toute la nuit il va transpirer, se retourner encore et encore, la couche grinçant sous son poids. Un agent de surveillance passe tous les quarts d'heure pour le regarder, veiller à ce qu'il ne manigance rien pour tenter de quitter la prison par le ciel et il reste chaque fois un peu plus longtemps à le regarder se débattre contre Dieu sait quels démons. Le combat semble plus terrifiant que celui qui  l'attend devant les jurés qui décideront de son sort.
Vous n'en mèneriez pas large alors que vous n'endureriez que ce qu'il vit depuis son arrestation. Vous qui n'êtes ni connu ni reconnu. Vous qui ne faites que ce que font tous les autres : vivre simplement, sans faire de vagues, une vie qu'on nous a appris à vivre sans se faire remarquer, à peiner à garder ce que nos parents pouvaient avoir pour presque rien et à s'en féliciter en regardant le malheur des plus démunis que nous. Vous auriez grand peine à supporter cette nuit en prison. Mais lui, lui tout le monde le regarde, tout le monde l'aime — du moins tout le monde l'aimait avant qu'on ne lui passe ces menottes. Dans vos cauchemars comme dans les siens se superposerait tout ce qui pourrait vous être reproché par un tribunal céleste. C'est facile d'être innocent quand on dort dans son lit.
Et comme lui, vous pourriez apprendre à vous satisfaire de petites choses, comme par exemple avoir les mains libérées de ces bracelets de fer et pouvoir, comme le Tao le prescrit, dormir la main droite sous la tête et ma main gauche le long de la cuisse gauche repliée vers le haut.

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B.O.S.T. :
Dessins :
  1. Toulouse
  2. Toulouse
  3. Toulouse
  4. Toulouse

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