dimanche 29 août 2010

QUATREVINGTDIXSEPT


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On a tous, j'espère, le souvenir d'un professeur. Ce professeur qui par les mots justes qu'il aura trouvés pour me parler, l'intérêt qu'il aura eu pour ma personne, ce professeur qui d'une manière ou d'une autre a su transmettre sa passion pour la matière qu'il enseignait à quelqu'un comme moi qui n'en avait aucune, passion. J'ai le souvenir de ce professeur en particulier, qui enseignait le français, lors de ma classe de seconde que je doublais cette année là, et pas seulement à cause du français. L'homme en lui même ne payait pas de mine, pas vraiment grand mais pas juste petit, vêtu d'un vieux complet à rayures ou d'un ensemble mal-assorti terminé par une veste à la couleur indéfinissable, généralement une écharpe rouge et systématiquement une gitane, des lunettes sales et une vague odeur d'alcool fort. 
Il avait facilement l'air embué, le ton haché, on pourrait dire gainsbourgien si on osait faire des mots sur le nom de cet homme. Mais il avait la passion de sa matière et bordel de dieu il lui lâchait la bride à sa passion. On s'en prenait plein la gueule pour pas un rond de sa passion. Et il s'enflammait dès que le moindre d'entre nous soumettait un avis frileux, intéressé voire curieux sur quelque sujet que ce soit, puisque pour lui tout était littérature, littérable, sujet à littérer (je l'imagine tellement sautiller en lisant une phrase comme celle ci). Et c'est cette flamme qui a laissé une trace aussi nette. Pourquoi écrire sur lui ici ? D'abord parce qu'il faut l'écrire parce qu'il a vraisemblablement disparu et qu'il mérite qu'on le fasse. Sans lui je n'écrirais même pas, sans lui je ne saurais même pas lire.
Ensuite parce que ces images m'évoquent une lecture commentée en classe des Faux Monnayeurs d'André Gide. Évocation lointaine mais qui m'empêche d'y trouver d'autre inspiration. Les Faux Monnayeurs, étudié en classe de première avec ce même professeur et dont un des passages voit les deux héros, les deux amis, Bernard et Olivier vivre des vacances à haut pouvoir symbolique. Le premier en hauteurs suisses et solaires accompagné d'un mentor éclairé et le second en criques basses et sombres aux bras d'un méchant cynique. Ça a l'air pesant expliqué ainsi mais c'est en réalité d'une légèreté et d'une fluidité ahurissante. Je distingue aisément ici des hauteurs lumineuses et des bassesses maritimes.
Et je distingue même ici attablé mon cher professeur, dans une position qu'il affectionnait plus que tout, de préférence entouré de jeunes gens prêts à écouter ce qu'il avait à raconter. Et bordel de dieu, il en avait.


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Musique :
  • Paolo Conte - Sparring Partner

Dessins :
  1. Marseille
  2. Marseille
  3. Marseille
  4. Marseille


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