jeudi 26 août 2010

QUATREVINGTQUATORZE


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Lui c'est Maxime Cochin. Pour une fois, vous pouvez chercher, il a existé. Je ne l'ai pas connu, le gars était actif dans les années quarante à soixante et vous ne trouverez pas de littérature à son sujet, il n'a été une petite célébrité qu'en 1948, et encore, au niveau local. Je vous parle d'Angers. Je suis trop jeune pour l'avoir connu mais son histoire colle bien à ces images. 
Alors le gars Cochin, sans être un caïd, c'était un gros gars. Il fréquentait les bars autour de la maison des marchands en plein centre d'Angers. A l'époque, dans les années quarante, Angers était loin d'être la ville sclérosée autour d'un centre muséïfié qu'elle est devenue - comme la plupart des villes du pays aujourd'hui. La maison des marchands c'était un grand truc en bois qui a brûlé depuis. L'ambiance aux alentours ressemblait à celle du quartier des halles à Paris, je parle du quartier des halles circa Irma la Douce, avec le même genre de faune comme population - je pense maquereaux et gagneuses, petits caïds et travailleurs du coin, épiciers, boulangers, bouchers. On y parle argot, verlan ou louchébem et les conversations ne se comprennent qu'entre initiés.

Le môme Cochin, il se la joue dur à cuire. Imaginez le gars qui aime à se traîner une réputation de mauvais garçon. Moi je le vois bien traîner près des louloutes, faire le beau près de leurs marlous et jouer les michetons parce qu'il a pas la thune. Bref, on parle de lui dans le quartier, qu'on comprenne ce qu'on dit ou pas. Et la maréchaussée l'a à l'oeil. Forcément, à force de jouer les durs, ça fini par se voir. Entre temps, quand il bouine pas, le gars Cochin, il traîne ses guêtres du côté de la salle de boxe de son quartier et il s'entraîne, dur. Faut dire que le môme Cochin il en a gros. Dans le genre, comme c'est un môme, on le respecte pas des masses. Du coup, il a la bonne rage pour les sacs de sable et les sparring-partners.
On est en 1948. Le gars Cochin, il s'entraîne. Dur. Il a une idée en tête : les olympiades. Cette année, c'est à Londres. Môme Cochin, il a décidé d'y aller, catégorie "flyweight", les poids mouche. Ha oui, le môme Cochin, si tout le monde l'appelle un peu môme, c'est qu'il est pas bien grand. Mais c'est un dur, et il joue les durs. Un peu du style Elisha Cook Jr, le porte flingue de Sydney Greenstreet dans le Faucon Maltais. Une fois les olympiades en approche, môme Cochin, il va à Londres. Dans les bistrots autour de la maison des marchands, ça rigole sec. Si on s'amuse à prendre des paris, c'est sur la vitesse à laquelle le môme va rentrer. Ou alors s'il va rentrer tout court. On donne pas très cher de sa peau.
Et ben cette année là, môme Cochin, il va jusqu'aux huitièmes de finale. Il tombe face à un petit coréen. Mais ça, tout le monde s'en fiche. Quand le môme Cochin il revient au bercail, c'est le préfet qui est là pour l'accueillir. Et sur tout le trajet de la gare à chez lui, on le fête, on le célèbre. Et pour une fois, autour de la maison des marchands, tout le monde à fermé sa grande gueule. Et ça, quelle que soit la langue, tout le monde le comprend.



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Musique :
  • Survivor - Eye Of The Tiger

Dessins :
  1. Marseille
  2. Nantes
  3. Nantes
  4. Nantes


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