lundi 6 septembre 2010

CENTCINQ


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Les endroits auxquels j'appartiens :
Le jardin de mon père. C'est plus qu'un jardin, c'est une oliveraie en terrasses — en planches comme ils disent là-bas. Les étages sont rehaussés de murets en vieilles pierres qui roulent la nuit et que l'on remonte le matin. Le terrain est vaste, peuplé d'une centaine d'oliviers centenaires aux silhouettes inquiétantes la nuit mais majestueuses au soleil. Quelques citronniers et figuiers viennent ajouter parfums et ombrages et des vignes poussent le long des arrêtes formées par les murets. Le sol, sec et rocailleux, crisse sous les semelles et l'air bruit du chant des oiseaux et des insectes qui vivent là. La vue s'étend jusqu'au bas de la vallée sur près de six cents mètres de dénivelé et remonte de l'autre côté sur le versant de la montagne. A perte de vue, nulle trace perceptible de vie humaine, si l'on fait abstraction des voitures qui roulent à tombeau ouvert le long de la rivière qui a investi la vallée. 
Les vieilles rues de Paris. Des rues que j'ai quittées il y a longtemps. Des rues où j'ai vécu, près de vingt ans. Des rues que j'ai arpentées dans tous les sens, trouvant toujours un moyen de m'imaginer y vivre, trouvant toujours quelque chose qui me donne envie d'y vivre. Par opposition aux endroits où j'ai déjà vécu, où je vis, où je vivrai, les vieilles rues de Paris offrent un possible hors d'atteinte, un potentiel de rêve que n'offrent que les pays lointains comme l'Amérique, l'Australie, le Japon, le Kenya... Ces endroits romanesques au possible où n'arrivent que des histoires d'amour contrariées et des crimes abominables. Les vieilles rues de Paris sont autant chargées d'histoires et d'Histoire qu'un pays à lui tout seul, autant chargées de possibles que plusieurs milliers de vies. N'a-t-on pas écrit déjà un roman sur un seul de ses immeubles? 
Le jardin de ma mère. Pas de psychanalyse, juste un constat : le jardin de ma mère est minuscule, celui de mon père est sans limite. Dans le jardin de mon père on marche puis on s'allonge, on est seul. Dans le jardin de ma mère, on s'assoit, à plusieurs, on discute autour d'un verre d'absinthe ou d'un autre alcool rare et précieux. On mange des choses aux noms inconnus, des petites choses fraîches, délicates et colorées. On parle des poètes, de théâtre, on disserte de mises en scène, on dissèque des romans, on analyse des cadres et on se rappelle des noms des grands peintres. Le jardin de mon père a l'horizon monochrome, celui de ma mère a l'enceinte grisée d'ardoises du pays noir mais l'enceinte renferme la palette d'un Kandinsky, le décor idéal pour des conversations le matin, le soir, la nuit aux lueurs d'ampoules aux couleurs d'une fête de village.
La pinède qui borde la plage, à deux pas de chez ma belle-mère. Il y a des pins, toutes sortes de pins, pin parasol de préférence. Aussi loin que porte le regard on ne voit que des pins, des aiguilles de pin et du sable. La dune envahit la pinède et s'y évanouit. Au loin on entend la mer rugir, le vent souffler. Le drapeau orange qui interdit les baignades claque bien souvent au bout du petit chemin qui mène à la plage. S'allonger dans la pinède, lire un roman de gare, se plonger dans des intrigues tarabiscotées ou des romances sucrées, écouter l'été souffler dans les aiguilles, les sentir ces aiguilles traverser une grosse serviette éponge chauffée par le soleil. Engourdi, se lever et marcher.


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Musique :
  • James - Out To Get You


Dessins :
  1. Inconnu
  2. Inconnu
  3. Sienne
  4. Inconnu


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