vendredi 10 septembre 2010

CENTNEUF


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Je connais un vieil homme qui vit dans une grande maison isolée le long de la Loire entre Ingrandes et Saint Florent Le Vieil. Sa maison serait un paysage si elle n'était pas plantée là, au milieu d'un tel décor. Pourtant, ici, elle passe presque inaperçue. Tout juste certains promeneurs se disent-ils en la croisant qu'ils y finiraient bien leurs jours mais ils repensent bien vite à leur confort citadin, se rassurent en pensant aux crues du fleuve qu'ils n'ont pas à craindre là où ils vivent. Mon vieil homme ne craint pas les crues, sa maison est bien en hauteur sur un promontoire. De là il domine son coude de Loire qu'il s'est depuis longtemps approprié, depuis que plus personne ne navigue sur le fleuve.
Mon vieil homme aime se promener dans son jardin, au milieu de ses arbres fruitiers, il repense aux jours où ses petits enfants venaient le voir, passer la journée près de lui, courir entre les poiriers et les pommiers, prendre le goûter à l'ombre en l'écoutant raconter ses histoires. Il s'arrête fréquemment pour se remémorer des après midis particulières, des morceaux de conversations, des bouts de rires. Il repense à sa femme, à ses filles, à tout le bonheur qu'il a eu auprès d'elles. Il aime sa maison et son jardin qui bruit encore de toutes ces femmes qui l'ont aimé, qu'il a aimées, qu'il aime. Mon vieil homme sourit encore, son pas est léger quand il traverse son jardin, il devient presque enfantin quand il passe la grille qui ouvre sur le chemin qui longe le fleuve. 
Mon vieil homme descend jusqu'à la berge sablonneuse, ce sable si particulier, ce sable de Loire. Le fleuve coule, majestueux, sauvage. Le courant tourbillonne par endroits, l'île Batailleuse sépare les flots juste en face de sa maison. Il voit souvent des pêcheurs installés près de chez lui. Il n'y a pas d'autres habitations à quelques kilomètres à la ronde aussi les poissons sont plus tranquilles par ici. Certains le savent et, comme un bon coin à champignons, ils gardent ce secret précieusement. Mon vieil homme s'amuse à les regarder attendre. Il trouve dans leur patience un soutien à sa propre attente. Parce que mon vieil homme est heureux, il est courageux, mais il attend. Il attend seul et depuis bien trop longtemps.
Parce que de filles et de petites filles mon vieil homme n'en a eu que les espoirs. Parce que de femme il n'en a eu qu'une qui l'a quitté trop tôt d'une maladie trop bête et qu'il n'a jamais eu le coeur de remplacer et qu'il attend patiemment de rejoindre, le sourire aux lèvres, en continuant d'imaginer ce qu'aurait été leur vie. Mon vieil homme est bien beau face à son fleuve. Il serait un paysage à lui tout seul s'il n'était entouré d'un tel décor.


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Musique :
  • Kristin Hersh - Your Ghost
Dessins :
  1. Inconnu
  2. Inconnu
  3. Inconnu
  4. Inconnu



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